Pour une Eglise locale unie en Europe Occidentale

Источник

(1949)

Extrait de l’exposé sur la situation canonique de l’Exarchat prononcé à l’Assemblée diocésaine de l’Exarchat russe en Europe occidentale.

Il faut donc bien se rendre compte qúen conservant l’ordre existant dans la vie de l’Eglise Orthodoxe en Europe Occidentale, on ne peut pas espérer venir à bout des divisions et des séparations. Dans le meilleur des cas, on ne saurait parler que d'un rapprochement difficile et partiel qui ne résoudrait pas le problème.

Il n'y a qu’une issue et il ne peut d'ailleurs y en avoir d’autre: c'est l’organisation sur tout le territoire de l’Europe occidentale d’une Eglise Orthodoxe unique pourvue d'une structure ecclésiale unique et d’une direction unique, établies sur la base irréfutable des dogmes et des canons orthodoxes. La nécessité de l'unité de la structure ecclésiale repose sur toute une série d’arguments; ces arguments sont d’ordre dogmatique, moral, canonique, de l'ordre de la vie enfin. Je dirai quelques mots de chacun.

Du point de vue dogmatique, l'unité de l’Eglise est une évidence en elle-même: l’Eglise est une dans le Christ, une dans l’adoption par Dieu le Père, une dans la vie de grâce en l’Esprit Saint. De même que les trois Personnes de la Trinité ont une seule essence, ainsi dans l’Eglise aussi, l'immense diversité des personnes et des peuples doit s’unir dans le corps unique de l’Eglise. L'Eglise a une origine apostolique unique, une tradition unique et des bases uniques de vie pour tous les temps et pour tous les peuples.

La base morale de l’unité est évidemment l’amour; la plus grande loi et la plus grande force de la vie chrétienne. C’est donc l'amour qui doit être la force qui nous fait avancer malgré toutes les difficultés sur la voie de l'unification de l’Eglise. Mais il n'y a pas d’amour chrétien hors de la vérité. L’unité de l’Eglise est dépourvue de sens et dépourvue d’authenticité si elle est fondée autrement que sur la vérité, l'enseignement et les lois de l'Eglise. Nous ne devons pas l’oublier lorsque nous nous demandons comment venir à bout des divisions.

Enfin, l'Eglise a un besoin vital d’unité parce que les possibilités créatrices de l’Eglise dépendent directement de l'unité et de la structuration de la communauté ecclésiale. La mission orthodoxe en Occident, en particulier, a besoin, elle aussi, d’unité ecclésiale.

L’unité canonique de l'Eglise repose sur un principe tout à fait simple: sur chaque territoire, il doit y avoir une organisation ecclésiale unique, une hiérarchie unique, une tête unique; qúil n'y ait pas unité de direction sans conciliarité mais pas non plus de conciliarité sans unité de direction! C'est sur ce principe que, dans chaque région, doit être organisé un unique diocèse; les diocèses s’unissent en métropoles, les métropoles en patriarcats, les patriarcats ou églises autocéphales en Eglise Orthodoxe Universelle. Et l’Eglise Universelle est dirigée non seulement par les Conciles œcuméniques qui ne se réunissent que dans les cas exceptionnels, mais également, en permanence, par la personne du hiérarque suprême de l’Eglise Orthodoxe. Ce hiérarque était, avant qúil ne tombât dans l’hérésie catholique, le Pape de Rome et, après lui, c’est le Patriarche de Constantinople. C’est là le sens du 28e décret du Concile de Chalcédoine: il place le patriarche de Constantinople à la seconde place après celui de Rome avec les mêmes droits, mais si Rome est tombée hors de l’Eglise, le patriarche de Constantinople, tout naturellement, devient le premier. Il ne s’agit pas de dire qúà lui seul appartient l’autorité sur tous les territoires situés hors des églises locales (le 28e décret ne parle pas du tout de cela), mais que le Patriarche œcuménique, qui est le Premier, s’occupe légitimement de toutes les affaires qui ne peuvent pas être résolues et organisées par les églises locales.

Un diocèse ne peut être sans territoire car toute organisation terrestre doit être localisée; en outre, la marque territoriale de partage est objective et ne peut introduire de division spirituelle, intérieure dans l'Eglise, tandis que toute autre marque de partage: nationalité, classe sociale, idéologie, profession, peut toujours introduire la division dans l'Eglise...

Une organisation ecclésiale mobile ne peut être que provisoire et anormale. De plus, il ne faut pas confondre – ce que l’on fait sans cesse chez nous – la mobilité des croyants et la mobilité de l’organisation ecclésiale elle-même. Les fidèles peuvent se déplacer d’un pays à l’autre, l'Eglise, elle, demeure dans chaque pays celle de ce pays.

Deux diocèses sur un territoire ou bien l’autorité de deux évêques est un crime canonique, une absurdité et le point de départ de tous les schismes. Dans la dualité de l'organisation et du pouvoir dans l’Eglise, c’est le Corps du Christ qui est divisé, la paix détruite, la vie et l'activité spirituelles tuées. Nous devrions tous éprouver une horreur mystique devant une telle dualité; alors que l’on dit souvent chez nous: «pourquoi deux évêques ne dirigeraient-ils pas en paix un seul troupeau, même s'ils le font indépendamment l’un de l'autre?». Ceux qui parlent ainsi ne savent pas ce qu’ils disent. Un évêque sans diocèse n'a pas de pouvoir. L'évêque et son troupeau constituent un tout. La fonction épiscopale est impensable sans les ouailles, sans que l’évêque, ses prêtres et le peuple de l’Eglise n’œuvrent ensemble. Et l’évêque n’est pas un administrateur ecclésiastique impersonnel appelé à commander là où le besoin s’en fait sentir, mais un père inséparable de ses enfants spirituels.

La fonction épiscopale n’est pas une profession mais comme la fonction organique du corps ecclésial, l’évêque n'est pas un chef, mais la tête de son corps, et, sans corps, il n’a plus de force dans l’Eglise. C'est la raison pour laquelle il doit être choisi par ses ouailles parmi elles, être confirmé dans ses fonctions par ses confrères évêques et recevoir la consécration de Dieu. L’évêque représente son Eglise et c'est pour cette raison qúil est habilité à participer aux conciles; mais s'il ne représente aucun diocèse, sa voix au concile n’a pas de validité à part entière.

Toute Eglise doit être en relation canonique directe avec l’Eglise Universelle, quelle soit reconnue comme église locale par tous ou qúelle soit incorporée à une église locale existante. Sinon cette Eglise est détachée de l’Eglise universelle et sa structure est douteuse, voire illégale.

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Formes possibles de structure des Eglises d’Europe occidentale

Une métropole unique d'Europe occidentale aurait pu, dans les grandes lignes, être organisée conformément aux canons du Concile de 1917 avec une division en diocèses et l’établissement là où cela se serait avéré utile de doyennés nationaux. Le métropolite eût été prééligible par le concile et validé par le Patriarche œcuménique.

Il faut souligner que nous ne devons pas rechercher seulement une commune subordination au Siège œcuménique. Nous, Russes (et, peut-être, tous les orthodoxes en général) ne sommes que trop enclins à nous soumettre avec insouciance et sans réserve à un pouvoir suprême en nous déchargeant de la responsabilité et du soin d’organiser notre vie en société. La protection du Siège œcuménique pour l’Eglise d'Europe Occidentale est tout à fait indispensable, mais une organisation interne harmonieuse de la Métropole elle-même est non moins importante: elle est la condition préalable absolue de l'unification. Nous ne devons en aucune façon accepter des plans d’unification qui n'assureraient pas une organisation juste de la future Eglise d'Europe occidentale et risqueraient, à l'avenir, de devenir une source d’arbitraire, de contrainte, de désordres, d'injustices et de provoquer la perte des bienfaits de la vie ecclésiale que nous possédons encore actuellement. C'est pourquoi nous devons être d’une prudence et d’une vigilance extrêmes en réalisant cette unification.


Источник: Verkhovskoy S.S. Pour une Eglise locale unie en Europe Occidentale // The Orthodox Messenger. 1977. № 77. С. 3-6.

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